"Nouveau millénaire, Défis libertaires" | |||||||||||
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NOTES DE LECTURE La performance comme dispositif de gestion ou la construction sociale de l'insignifiance Par Jean-Luc METZGER « Notes de lecture », Réseaux 6/2005 (no 134), p. 263-279. |
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Origine : http://www.cairn.info/revue-reseaux-2005-6-page-263.htm « Le chercheur que je suis préfère obéir à des considérations militantes plutôt que gestionnaires en mettant la recherche au service du bien commun et de la demande sociale, plutôt qu'à des critères d'utilité et de profitabilité. » (V. de Gaulejac, 2005, p. 17) Les Technologies de l'information et de la communication (TIC) sont devenues des supports incontournables de la gestion. Comprendre leur rôle dans le fonctionnement (ou le dysfonctionnement) des organisations est un enjeu qu'ont bien identifié plusieurs groupes de chercheurs. A titre provisoire, et sans souci d'exhaustivité, on peut retenir les travaux de Rachel Beaujolin sur la pratique du licenciement comme mode de gestion des ressources humaines (2004), les études d'histoire de la gestion sous la direction de Jean-Philippe Bouilloud et Bernard-Pierre Lecuyer (1994), ainsi que les publications du Réseau Thématique 30 (sociologie de la gestion) de l'Association Française de Sociologie, centrés sur les dispositifs de gestion (Valérie Boussard et Salvatore Maugeri, 2003 ; Salvatore Maugeri, 2001). Dans la perspective ouverte par ces réflexions, nous proposons quelques pistes de discussions complémentaires organisées autour de trois ouvrages récents : une interrogation sur la notion de performance pour comprendre les finalités de la gestion ; une interrogation plus méthodologique sur la conception de l'organisation ; et une interrogation sur les effets délétères de la gestion managériale. La performance : idéologie gestionnaire ou catégorie d'analyse ? La gestion connaît de nombreuses définitions, mais toutes mettent en avant le fait qu'elle vise, d'abord, à accroître l'efficacité et la performance des organisations productives. C'est pourquoi il n'est pas inintéressant de s'interroger sur l'origine du terme de performance. C'est ce que font plusieurs spécialistes (sociologues, psychologues, philosophes, gestionnaires) dans un ouvrage collectif dirigé par Benoît Heilbrun1. Les auteurs précisent que ce terme a d'abord été employé au pluriel pour désigner les accomplissements des chevaux (chez les turfistes du XIXe siècle), puis les réalisations des sportifs, avant d'être utilisé au singulier par les ergonomes pour apprécier l'activité humaine, puis dans le domaine de l'art pour désigner la réalisation publique d'une oeuvre. A partir des années 1930, des psychologues anglo-saxons l'utilisent pour classer les individus au moyen de tests quantitatifs. Ces transformations du sens sont, en soi, révélatrices des évolutions parallèles de la gestion, en tant que processus d'instrumentalisation des pratiques sociales. Mais au-delà de ce constat, l'intérêt des contributions est de tenter d'identifier les soubassements de « ce que l'on peut appeler l'idéologie de la performance », idéologie apparemment devenue consubstantielle de notre société et, de ce fait, tellement naturelle qu'il est difficile de l'interroger. C'est pourquoi il est nécessaire de mobiliser différentes approches critiques, lesquelles, pour atteindre leur but, doivent non seulement replacer la question de la performance dans un ensemble plus vaste de transformations (la conversion généralisée aux valeurs de la concurrence, de la compétition, de la conquête), mais également pointer les conséquences induites par ces transformations (l'obéissance collective à l'injonction constante d'en faire toujours plus). Dans cette perspective, François Dubet (Critique de la performance comme modèle de justice) s'intéresse aux fonctions latentes de la performance. Dans les sociétés postulant une égalité fondamentale pour les individus, elle désigne la valeur intrinsèque de ces derniers, leur mérite et, en ce sens, peut servir d'indicateur pour la production d'« inégalités justes ». Pour que l'accès à des positions inégalitaires soit considéré comme juste, il faut pouvoir annuler (ou prétendre annuler) les effets des inégalités sociales dont les individus ne sont pas responsables. Ce qui, il faut le souligner, suppose que les individus sont responsables de certaines des inégalités les concernant, et qu'il est possible de les identifier objectivement. De plus, cette croyance dans la légitimité des procédures de sélection des plus performants sert de fondement aux hiérarchies sociales : « il existe un couplage entre performance et légitimité qui implique une croyance dans la légitimité "rationnelle légale" des procédures, mais qui va bien au-delà. (...) Il est bon pour tous que les ingénieurs, les médecins, les savants, les responsables politiques, les artistes soient issus d'une compétition les obligeant à accroître leurs performances personnelles » (p. 17-8). Empiriquement, un tel modèle idéal est battu en brèche : les inégalités sociales ne peuvent être annulées, les procédures de sélections renferment des dimensions arbitraires. Mais, pour l'auteur, la croyance dans la fiction de la juste inégalité est indispensable pour préserver le caractère démocratique d'une société profondément inégalitaire. De plus, il est sans doute souhaitable que la procédure demeure imparfaite et critiquable : si elle était vraiment sans faille, imagine-t-on les conséquences d'une exclusion irréprochable ? Les vaincus n'auraient dès lors plus qu'à se considérer comme responsables de leur propre exclusion et à intérioriser la culpabilité de leur échec. Les vainqueurs pourraient afficher avec une arrogance toute aristocratique la légitimité de leurs avantages. C'est pourquoi, il convient d'admettre que « la performance est une norme de justice indiscutable pouvant légitimer de grandes inégalités » (p. 23). Mais, utilisée comme seul mode d'appréciation de l'apport de chacun au bien commun, elle conduit à individualiser l'expérience des inégalités, avec ce que cela implique de frustration et de violence chez ceux qui ne peuvent plus identifier les causes sociales de leur malheur. Un tel usage conduit, symétriquement, à ce que chacun se considère essentiellement comme un acteur mobilisable, comme l'instrument de sa propre individualité, au risque de détruire l'autre versant de sa personnalité, fait d'individualité et d'authenticité. Ce qui, comme le souligne Daniel Marcelli (La performance à l'épreuve de la surprise et de l'autorité) n'est pas sans menacer la cohésion sociale. En effet, dès qu'ils sont consacrés, les vainqueurs sont soumis à l'obligation de réitérer leur performance, voire de l'améliorer ce qui conduit tôt ou tard, à tricher, à transgresser les règles, donc à disqualifier le lien social. C'est ce qu'ont montré des scandales financiers récents. La nouvelle anomie consisterait à n'exister que pour soi, pour s'affirmer, nourrir une bonne estime de soi. Appliqué à la sphère professionnelle, ce constat revient à souligner que « le travail n'est pas le lieu d'une inventivité, d'un intellect productif, mais plutôt la mise en oeuvre de capacités de communication, passant essentiellement par la circulation de lieux communs ». Mieux, la recherche de performance pousse les salariés à (surtout) savoir mettre en scène leur activité, et, pour devenir performant dans cet exercice même, ils ne doivent plus hésiter à maîtriser des techniques de plus en plus avancées leur permettant de briller, mais de façon standardisée, mécanisée. Telle serait la dimension aliénante de la performance. Dans les entreprises, l'exigence accrue de performance, au nom de la radicalisation de la mondialisation économique et du fait de la mutation du rapport au temps que permet la communication instantanée (grâce aux TIC), se traduit par une pression sur les individus pour qu'ils « fonctionnent à flux tendu ». C'est ce que soutien Nicole Aubert (Intensité de soi, incandescence de soi) qui pointe qu'en considérant toute action comme hyper-urgente, il est impossible de prendre le recul de la réflexion et il n'est pas souhaitable d'avoir le moindre état d'âme. L'individu « hyper-performant », dopé par l'urgence, investit sa propre énergie au risque de se consumer et, au bout du compte, se résume à l'entretien de cette capacité à se brûler. Mais ces critiques de la performance sont centrées sur les individus. Au niveau des organisations et des collectifs de travail, plusieurs auteurs pointent les effets contre-productifs, destructeurs, auxquels conduit la recherche démesurée, a-critique, de la performance économique. Ainsi, Chrisophe Roux-Dufort (La performance, anti-chambre de la crise) fait remarquer que la volonté de s'afficher comme performantes conduit de nombreuses entreprises à ne pas corriger leurs erreurs (en termes d'environnement, d'emploi, de conditions de travail), mais à seulement communiquer pour conserver une image favorable (auprès des clients et des actionnaires). Cette incapacité à tirer les leçons de ses erreurs peut s'expliquer assez aisément. En reprenant le modèle décrit par Chester Barnard (dans The function of executive, 1938), la performance peut être envisagée comme résultant de la recherche conjointe de l'efficacité (capacité à atteindre les objectifs fixés) et de l'efficience (capacité à réduire les effets non souhaités de l'efficacité). Si l'organisation ne parvient pas équilibrer ces deux composantes, s'il y a inefficience, il ne peut y avoir performance au sens strict. Mais la mesure de la seule performance au moyen d'un nombre restreint d'indicateurs (part de marché, cours boursier, croissance du chiffre d'affaires) pour apprécier (et afficher) la réussite de l'entreprise conduit à se focaliser et à n'agir que sur la résultante de processus qui dès lors sont ignorés, faute d'indicateurs les prenant en compte (on agit sur le thermomètre pour faire baisser la fièvre). Ce phénomène « d'aveuglement » est exacerbé par les choix des dirigeants qui, pour conserver ou améliorer la position de leur firme (elle-même appréciée par des indicateurs de performance), fixent sans cesse de nouveaux objectifs, toujours plus difficiles à atteindre. Les salariés n'ont plus le droit à l'erreur et les erreurs ne font plus sens. Tous doivent fixer leur attention sur ce qui permet de briller, laissant dans l'ombre ce qui pose problème, mais dont la prise en compte pourrait aider à progresser. De plus, comme le fait remarquer Bernard Stiegler (Performance et singularité), la recherche de performance paraît synonyme de progrès, de transformation vers du mieux : alors qu'elle peut conduire également à du pire, à la bestialité par la standardisation. Ce retournement tient à la quantification (excessive ? déplacée ?) et aux calculs qu'elle permet : la raison s'est exténuée en ratio, en calcul comptable. L'auteur met en évidence l'existence d'un cercle : la recherche de rentabilité, appréciée au moyen des seuls indicateurs comptables, focalise les débats sur des aspects purement arithmétiques et techniques, au détriments des autres dimensions de la raison 2. Il en résulte une exigence d'adaptabilité « à un système technique qui lui-même ne cesse plus de se transformer sous la pression de la performance. Et l'on en est venu à penser que l'adaptation à cette transformation permanente devait organiser socialement le devenir ». L'adaptation sociale généralisée, grâce notamment à une catégorie d'experts ad hoc, conduit à considérer la société comme constituée de consommateurs s'ajustant indéfiniment aux possibilités de la sphère de la production et cherchant interminablement du sens dans l'acquisition de plus en plus artificielle d'objets. En somme, sous différents angles, ces auteurs disent les multiples effets délétères de la recherche de la performance et des dispositifs de gestion mobilisés dans cet objectif. Ainsi, à un niveau macro-social, en tant que fiction de la juste inégalité, la performance tend à légitimer les hiérarchies sociales, ce qui accroît la distance entre des vainqueurs sincèrement convaincus d'appartenir à une aristocratie élue et des vaincus persuadés d'être les seuls responsables de leur exclusion. Pour sortir de l'ornière ou persévérer dans l'excellence, chacun en vient à se considérer comme son propre instrument et son propre combustible, tout en devenant virtuose de la mise en valeur de ses réussites. Mais comme il est impossible de tenir la distance, cette instrumentalisation de soi et des collectifs conduit à transgresser les règles et à ne plus voir les conséquences néfastes des succès rapides. Le désintérêt pour les autres et l'ignorance de leur propre responsabilité est bien ce qui caractérise les cadres des sociétés performantes. Tous ces éléments ne sont pas sans rappeler les thèses, toujours actuelles, de H. Marcuse, sur l'Homme unidimentionnel et la sur- répression 3. Comment, alors, sortir de la performance ? On peut retenir deux perspectives. Celle de François Laplantine (Réflexions sur l'imperfection) qui propose d'approfondir « ce qui se joue dans les failles, les défauts, les défaillances, les deuils de la perfection, les catastrophes évitées de justesse, les lapsus, les contresens », au moyen de la notion de passage (spatial et temporel) qu'il emprunte à Walter Benjamin. La prise en compte de cette dimension permet de rappeler que toute réussite demande du temps : on ne peut forcer les résultats. A force d'en rester à la surface des choses, de se contenter des success stories, on en oublie que ces récits mystificateurs laissent dans l'ombre des hésitations et des coûts non affichés. C'est la mémoire de ces détours qui permet, en cas d'échec, de revenir en arrière pour emprunter de nouvelles voies et innover. Quant à François Julien (Performance et efficacité), il propose de comparer les conceptions occidentales et chinoises de la performance. Alors que les Occidentaux imaginent que l'efficacité va résulter de la mise en oeuvre d'un plan préétabli (la réalité doit rentrer dans le modèle idéal), la pensée chinoise envisage d'abord d'évaluer la situation (au moyen d'un cadre préfixé de critères) et ainsi d'apprécier les potentialités offertes pour réussir. Alors que les premiers projettent un idéal à atteindre, les seconds anticipent les effets prévisibles et se centrent sur le processus de transformation incrémental. On pourrait alors suggérer qu'une organisation source de progrès social demanderait de miser sur la durée, selon un principe d'action incrémental, conçu en s'appuyant sur une connaissance en profondeur de la réalité et en considérant autant les acquis que les erreurs. C'est tout au moins dans ce cadre qu'il faudrait envisager le développement de tout dispositif de gestion. Gestion et monde feuilleté Après cette dé-naturalisation de la notion de performance, les principes et les pratiques de gestion, ainsi que les gestionnaires sont renvoyés à leurs responsabilités dans la production d'une réalité sociale de plus en plus anomique. C'est à une perspective diamétralement opposée, où l'identification de responsabilité paraît absente, que nous invite le livre de Valérie Boussard, Delphine Mercier et Pierre Tripier (L'aveuglement organisationnel ou comment lutter contre les malentendus). Pour analyser les articulations entre dispositifs de gestion et configurations sociales, les auteurs entendent, en effet, rien moins que reconsidérer la conception que les chercheurs se font des organisations. Basée sur des études empiriques de dysfonctionnement (centre de tri, collecte des déchets), réinterprétées au travers de catégories d'analyse empruntées aux sociologies pragmatiques (ethnométhodologie, interactionnisme, sciences cognitives, économie des conventions et socio-constructivisme des sciences), la thèse forte défendue dans l'ouvrage est la suivante : ce qui est structurant pour comprendre le fonctionnement des entreprises et des administrations, ce sont les malentendus, les aveuglements ; dès lors, l'intérêt du chercheur doit se concentrer sur les interprétations des acteurs en situation ; les malentendus situationnels sont alors des interférences entre modèles de résolutions de problème ; car, derrière l'apparence des structures formelles, se profile une réalité jamais stabilisée faite du feuilletage de différents niveaux d'interprétation. Plus précisément, les auteurs présentent avec clarté les différents courants d'analyse dont ils vont utiliser les catégories et les postures, ce qui donne au livre des airs de manuel, d'un manuel qui, cependant, n'exposerait jamais les critiques formulées contre les courants décrits. Cet exposé théorique leur permet de justifier la construction de leur propre grille. Ils empruntent ainsi aux sciences cognitives le fait de se centrer sur les représentations et les conceptions. De l'ethnométhodologie (Garfinkel) et de l'interactionnisme symbolique (Goffmann), ils retiennent que « les rencontres individuelles sont des rencontres de cadres d'interprétation et d'action ». Ce qui les amène à avancer que « la même réalité [par exemple, une organisation, ou un ensemble d'organisations contribuant à un même objectif] consiste en un empilement de niveaux de réalité distincts », c'est-à-dire un empilement de conceptions de cette même réalité (ou paradigmes), certains paradigmes pouvant être plus prégnants que d'autres. A vrai dire, il n'y a même plus de situation : celle-ci se dilue, éclate en une pluralité de définitions de la situation (ce qui laisse tout de même dans l'ombre la question de savoir qui va définir le premier noyau à partir duquel les divergences d'interprétation vont apparaître). D'où l'idée que les malentendus sont consubstantiels à l'activité en milieu organisé : dès lors que les différentes catégories d'acteurs impliqués dans l'accomplissement d'une même consigne sont dans l'ignorance de leurs niveaux de réalité respectifs, croyant donc, en toute bonne foi, qu'ils sont les seuls à agir rationnellement, il y a toutes les chances pour qu'ils ne se comprennent pas. Il n'y a alors plus qu'un pas à franchir pour assimiler organisation et interaction : « nous admettons que l'organisation n'est qu'un cas particulier d'interaction (...) un immense et complexe système d'interactions individuelles et collectives. (...) Nous adoptons le terme de feuilletage pour décrire la superposition, au sein d'une même organisation, de définitions et d'interprétations » (p. 9 et 10). Car, « c'est la connaissance située et singulière, partagée par quelques uns qui est à l'origine de l'ordre social », tandis que l'organisation « est le résultat d'une série d'interprétations et de reconstructions, d'ajustements et de malentendus » (p. 51). Les auteurs n'hésitent d'ailleurs pas à réinterpréter une partie de l'histoire et de la sociologie des organisations pour montrer que « l'ensemble de ces travaux aboutit à éviter de donner un caractère sur-ordonné aux organisations » (p. 57). En somme, beaucoup de chercheurs avaient pratiqué la conception de l'organisation en termes de feuilletage, sans l'avoir vraiment théorisé. C'est maintenant chose faite et une telle construction théorique permet de soutenir que, si la mise en oeuvre de principes et dispositifs de gestion débouche, non seulement sur des dysfonctionnements, mais également sur des disparités de traitement, des inégalités et des asymétries, ce ne sont là que des résultats involontaires de la manière dont des définitions différentes de la situation se rencontrent. Les partisans du conventionnalisme ne sont pas oubliés. Ils y trouveront un chapitre consacré au sentiment de justice où, après un exposé très clair facilitant la compréhension des thèses de L. Boltanski et L. Thévenot, les auteurs soulignent que, pour que s'élaborent des conceptions communes de la situation, il faut que des collectifs émergent, ce qui nécessite que leurs membres partagent des principes de justice. Et si les auteurs évoquent bien l'existence de positions attribuées, celles-ci ne résultent pas des dispositions héritées, des processus complexes de socialisation, mais, avant tout, de la situation. On pourra alors regretter que les descriptions savoureuses et les analyses subtiles des rapports de cours existant au sein des organisations, ne soient pas mis en rapport avec les travaux de P. Bourdieu (notamment sur la Noblesse d'Etat et sur la Distinction). Nul doute qu'une telle conception intéressera chercheurs et hommes d'action qui souhaitent faciliter l'adoption, par les acteurs, des dispositifs de gestion visant à améliorer la performance : la perspective envisagée s'appuie en effet sur une conception tout compte fait consensuelle de l'organisation, les hiérarchies formelles et les inégalités de ressources étant considérées comme peu structurantes ; de plus, les auteurs ne pointent aucune responsabilité catégorielle, renvoyant dos à dos gestionnaires et salariés exécutant les consignes ; enfin, elle prend soin de se référer à une large palette de courants d'analyse considérés, depuis plus d'une décennie, comme innovants. Pourtant, il peut paraître réducteur de considérer qu'une organisation se ramène à des interactions et l'on peut mobiliser contre la théorie du feuilletage les critiques déjà anciennes formulées à l'encontre de l'éthnométhodologie. Les pratiques, les représentations, les raisons de l'agir, les cadres mêmes de l'action ne s'expliquent pas par les seules propriétés de la situation. La vérité de l'interaction ne réside jamais toute entière dans la situation. Ainsi, comme le rappelle P. Bourdieu (1980), « faute de reconnaître rien qui ressemble à des dispositions durables et à des éventualités probables » (p. 71), les ethométhodologues ne peuvent admettre que « l'interaction elle-même doit sa forme aux structures objectives qui ont produit les dispositions des agents en interaction » (p. 98), ces dispositions résultant de l'homogénéisation objective des habitus de groupe ou de classe. Dans une perspective complémentaire, Louis Quéré 4 souligne deux pièges qui guettent l'ethnométhodologue. Le premier est de clore totalement l'action sur elle-même, au nom de son autodétermination. Le dehors, l'environnement sont rendus invisibles, semblant ne plus exister alors qu'il fonde la possibilité même des interactions et leur dynamique. Le second piège consiste à considérer l'activité comme un objet « là-dedans » auquel il n'y a rien à rajouter et qu'il suffirait de photographier. C'est oublier le rôle de la description qui est aussi une activité sociale. La description organise l'objet, elle le construit. L'observateur ne peut que co-produire avec l'acteur une accountability discursive (une explication pour rendre compte de ses actions). Celle-ci n'aura un statut scientifique qu'à condition d'être au clair sur les présupposés engagés dans la description ou sur ses conditions sociales et culturelles de possibilité, c'est-à-dire sur les opérations de construction. C'est aussi ce que dénonce P. Bourdieu (2001) : « ce qu'il s'agit d'objectiver, ce n'est pas l'expérience vécue du sujet connaissant, mais les conditions sociales de possibilité, donc les effets et limites de cette expérience et, entre autres, de l'acte d'objectivation » (p. 182). Cependant, cette prise de distance critique est d'autant plus délicate que l'ethonméthodologie est souvent utilisée en voulant éviter d'imputer aux acteurs des raisonnements qu'ils n'auraient pas. Dès lors, comme le fait remarquer B. Lahire (2005), comparer les « représentations des acteurs (...) à d'autres aspects de la réalité non dits ou non perçus par eux (...) appréhendés par l'objectivation statistique, l'observation ethnographique ou la contextualisation historique, semble être perçu comme une violence faite aux acteurs » (p. 98). Une autre critique consiste à discuter le postulat selon lequel il n'y aurait que des malentendus : il y a aussi des intentions, des refus et des adhésions, de la manipulation et des alliances. N'aurait-il pas été plus judicieux de préciser le domaine de validité de la théorie du feuilletage, par exemple en proposant une typologie des malentendus : certains seulement pouvant être redevables de ce type d'explications. Par ailleurs, la définition du dysfonctionnement peut poser problème. Pour les auteurs, il y a dysfonctionnement quand « chaque niveau se pense exclusif. La définition portée par le cercle est telle qu'elle empêche tout simplement de prendre en considération les autres niveaux de réalité. Les individus sont aveugles et les éléments qu'ils perçoivent des situations renforcent systématiquement leur propre point de vue » (p. 131). On peu alors en déduire que, si des salariés refusent de mettre en oeuvre une consigne, un dispositif, c'est qu'ils sont aveugles au point de vue du management. On est alors tenté de penser que ce dernier devrait, grâce à une meilleure communication, tenter de les convaincre pour que le dysfonctionnement disparaisse. N'est-ce pas alors adopter un point de vue managérial et gestionnaire ? En réalité, salariés, cadres et managers peuvent analyser correctement le point de vue et les intentions de leur adversaire et décider de persister dans leur intention et ainsi répéter ce qui, aux yeux d'observateurs distants, peut apparaître comme un dysfonctionnement. La gestion comme technique de pouvoir C'est à une réflexion à la fois semblable (dans ses objectifs) et diamétralement opposée (dans les perspectives envisagées) que se livre Vincent de Gaulejac dans La société malade de sa gestion. En effet, on peut convenir que l'auteur tient à rendre compte, lui aussi, d'un dysfonctionnement, mais d'un dysfonctionnement majeur : celui de la perte de sens, de l'insignifiance (Castoriadis) qu'induit la mise en oeuvre des principes, outils et projets gestionnaires, et leur application à toutes les sphères d'activités (professionnelles et non professionnelles). Lui aussi veut trouver une explication au-delà des seules motivations individuelles : il « semble crucial de comprendre en profondeur ces situations qui conduisent, chaque jour, des hommes et des femmes équilibrés, de bonne volonté, à produire une telle violence (...), comprendre pourquoi l'entreprise est devenue un monde guerrier et destructeur, tout en suscitant l'adhésion de ses membres » (p. 12). Et pour analyser sociologiquement ces phénomènes, il propose de considérer « le management comme une technologie de pouvoir, entre capital et travail, dont la finalité est d'obtenir l'adhésion des employés aux exigences de l'entreprise et de ses actionnaires ». Quant à la gestion, il y voit une « idéologie qui légitime une approche instrumentale, utilisable et comptable des rapports entre l'homme et la société ». Et loin de voir dans l'interférence de paradigmes, la clé des maux de notre temps, V. de Gaulejac identifie au contraire dans la gestion, la gestion telle qu'elle se pratique depuis 25 ans, l'une des causes d'apparition et de reproduction des problèmes (sociaux, organisationnels) qu'elle entend résoudre. Plus précisément, il présente les articulations qu'il envisage entre management (le fait de diriger), gestion (le fait d'organiser, d'administrer), sciences de gestion et sciences sociales. Ces articulations sont précisément ce qui caractérise notre époque : le mangement instrumentalise la gestion à laquelle il fixe l'objectif d'asseoir son pouvoir. En ce sens, c'est un système d'organisation du pouvoir. La gestion, à son tour, instrumentalise les sciences de gestion, lesquelles sont à la croisée de l'aide opérationnelle à l'action gestionnaire (par une réflexion interne) et des sciences sociales auxquelles elles empruntent l'essentiel de leur panoplie. Quant aux sciences sociales, elles ne sont pas toujours sans participer à cette instrumentalisation gestionnaire de leur discipline. Et si une telle imbrication n'est pas nouvelle, elle a pris une forme inhabituelle depuis qu'un certain nombre d'évolutions macro-politiques et macro-économiques ont permis l'extension de la financiarisation des entreprises (celles-ci ne sont plus que des marchandises), la mondialisation des marchés, la marchandisation d'un nombre croissant d'activités et le développement/déploiement des dispositifs à base de TIC (permettant, notamment, le temps réel). Toutes ces évolutions, convergentes, se traduisent par des contraintes nouvelles sur les managers (on pourrait également dire qu'elles leur offrent des opportunités inouïes). Et s'il y a bien, ici aussi, identification d'un certain aveuglement (p. 36), c'est pour désigner le désir de toute puissance d'un management persuadé de pouvoir tirer profit de cette expansion infinie. Qu'ils dirigent une multinationale, une administration, une institution internationale, les managers en viennent progressivement à considérer les problèmes économiques et sociaux comme découlant des entraves à la liberté. Les dirigeants ne sont cependant pas tous logés à la même enseigne. Ainsi, ceux qui dirigent les plus puissantes multinationales ne sont pas sans peser sur les décisions prises chez les sous-traitants et les fournisseurs, notamment, en termes d'outils de gestion. C'est par leur intermédiaire que sont généralisés des progiciels intégrés de gestion, des normes de qualité, et des normes comptables. Par ailleurs, le centre du pouvoir se déplace vers les investisseurs institutionnels, les banques d'affaires, les fonds de placement et de pension. Mais, pour V. de Gaulejac, ce qui est le plus remarquable dans ces transformations, c'est, au sein de toutes les organisations, l'apparition de nouveaux acteurs (analystes financiers, agences d'évaluation) et la prégnance des perspectives comptables qui en viennent à constituer le seul horizon de la stratégie. V. de Gaulejac entre ici en accord avec plusieurs des éléments soulevés dans l'ouvrage de B. Heilbrunn. Par exemple, lorsqu'il fait remarquer que, par la mathématisation des problèmes sociaux, la gestion finit par confondre la raison (comprendre les significations) et la rationalisation (neutraliser ce qui la dérange, qui n'entre pas dans sa propre logique). Ce retournement s'effectue au détriment de la recherche de sens : le seul objectif qui semble valoir le jeu, c'est « le développement de l'entreprise comme une fin en soi, indépendamment du développement de la société » (p. 56). Et l'on ne s'étonne même plus que les individus soient des ressources au service du système de production. Cette perte de sens se retrouve également dans l'obsolescence programmée des objets de consommation. Ou bien encore, dans la dimension proprement idéologique de la gestion. Ainsi, examinant les discours sur la qualité, l'auteur note ce que la gestion peut contenir d'insignifiance : « un discours insignifiant est un discours qui se ferme continuellement sur lui-même, chaque terme pouvant être remplacé par un autre dans un système de bouclage permanent » (p. 66). Mais cette insignifiance (dont Castoriadis identifiait la montée dès les années 1970), n'est pas sans efficacité : centrée sur la recherche sans fin d'amélioration de la qualité, elle conduit chacun à se sentir responsable de l'atteinte d'objectifs et de performance toujours plus élevés. Chacun se concentrant sur son implication, cela permet d'évacuer toute critique (et, comme nous l'avons vu dans l'ouvrage de Heibrunn, de se consumer dans l'utilisation de soi). Dans ce contexte, la spécificité des techniques de gestion est de faire accepter aux salariés les exigences de rentabilité imposées par les investisseurs institutionnels reconvertis en actionnaires dominants. « Avec le pouvoir managérial, les ordres et les interdictions sont remplacés par des procédures et des principes intériorisés (...). En acceptant de jouer le jeu, les employés sont pris, malgré eux, dans une construction procédurale qui les assujettit à un pouvoir normalisateur auquel (...) [ils adhèrent] d'autant plus facilement qu'ils sont sollicités pour contribuer à l'élaboration de ces normes » (p. 75). Car c'est bien là toute la force des dispositifs et principes de gestion : se présentant comme neutres, transparents, parfois co-construits avec les utilisateurs, ils deviennent désirables et, au sens propre du terme, incontestables (les co-concepteurs en viendraient à se critiquer eux-mêmes). Loin du malentendu ou de l'aveuglement émergeant des situations, la source du dysfonctionnement social réside alors dans la combinaison de deux intentions managériales : celle de monopoliser la définition des priorités ; et celle d'entretenir, par la captation des énergies, une sorte « "d'aliénation à la puissance deux", puisque c'est le sujet lui-même qui en devient le principal moteur » (p. 96). Le processus de gestionarisation concerne toutes les activités sociales : car la famille, les administrations 5, les associations, y compris les partis politiques, en viennent progressivement à appliquer les mêmes principes et dispositifs. « La famille devient une petite entreprise chargée de produire des enfants employables et de les armer pour affronter la guerre économique. (...) Chacun doit apprendre à gérer sa vie et à se gérer soi-même » (p. 116). Quant à l'enfant, sa carrière commence à la maternelle. Il est habitué, dès son plus jeune âge, à « rendre son temps rentable : cours de musique, activités sportives, cours particuliers, détentes formatives et distractions instructives. Le mercredi n'est plus un jour de vacances. Il devient un jour "plein" (...) pour sa réussite professionnelle future. Les parents (...) appliquent la logique d'une gestion des ressources humaines à leur éducation » (p. 147). La vie devient un plan de carrière et la politique un tremplin pour des hommes d'affaires appréciés des marchés, tandis que les hommes politiques ne semblent plus avoir à traiter que des questions budgétaires. « Payer ses impôts est vécu comme une charge et même une tare, échapper à la fiscalité un signe d'intelligence et de savoir-faire » (p. 216). Pour finir, les pays sont mis en compétition et très sérieusement comparés au moyen des indicateurs du World Competitivness Index. La perte de sens s'auto-entretient : pour oublier leur impuissance face à cette insignifiance, les individus se consolent dans l'action pour l'action et l'accumulation pour l'accumulation. Ce qui renforce la compétition et le recourt à des instruments de gestion, accentue l'obsolescence, tout en confortant la perte de sens. « Le pouvoir gestionnaire s'enracine dans ce besoin d'agir. Sa force repose sur trois ressorts. (...) Le premier (...) est l'alibi de la guerre économique. Il s'agit de faire croire en la vulnérabilité de l'entreprise (...) donc en la nécessité d'effectuer des sacrifices pour la sauver. (...) Le deuxième ressort du pouvoir est l'individualisation et la dissolution des collectifs qui pourraient défendre des orientations différentes de celles préconisées par les directions générales (...). Le troisième ressort est l'utilisation d'injonctions paradoxales qui inhibent la raison, favorisent l'adhésion et l'acceptation de la rationalité instrumentale » (p. 110/111). Et si l'on peut admettre que des niveaux de représentations ne coïncident plus, cela ne s'explique pas tant par la différence des cadres de l'action, que par le fait que les actionnaires et les membres de « l'hyper-bourgeoisie » d'une part, les salariés de l'autre, vivent réellement dans des sociétés différentes, lesquelles possèdent leurs imaginaires propres et leurs systèmes de légitimation. Par ailleurs, chaque salarié en vient à être lui-même un lieu d'incohérence, du fait de l'affrontement entre deux logiques : sa logique professionnelle (celle de son métier, des valeurs qui le fondent) et la logique gestionnaire (les dispositifs d'évaluation et de reconnaissance, déconnectés des valeurs et du sens des agents). Gestion de la recherche et sociologie de la gestion Tous ces points nous amènent à réfléchir sur les formes de la gestionarisation de la recherche elle-même et sur ses conséquences en termes de capacité à pratiquer une sociologie de la gestion critique, réflexive, indépendante. Dans cette perspective, l'étude qu'a réalisée M. Pollak (1979) de la trajectoire de P. Lazarsfed est emblématique de l'articulation ambiguë entre recherche sociologique et demande sociale. Cette articulation s'organise en quatre points : - le contexte macro-politique, voire géostratégique (dans le cas de P. Lazarsfeld, la montée du nazisme, la seconde guerre mondiale, puis la guerre froide expliquent le cadre dans lequel ses choix prennent un sens) ; - la stratégie de distinction par rapport aux sociologues académiques. Pour P. Lazarsfeld, il s'agissait de se démarquer, d'une part, de l'Ecole de Francfort (trop idéologique) et, d'autre part, de l'Ecole de Chicago (qui pratiquait un empirisme qualitatif) ; - la conception de la recherche comme un marché (potentiellement international), sur lequel il faut commercialiser une offre, intéresser de nouveaux clients, rechercher des contrats (y compris en termes de conseil) ; - la mise au point, par essais/erreurs, d'un dispositif de recherche spécifique permettant de répondre aux deux précédents objectifs. Dans le cas de P. Lazarsfeld, il s'agit d'un type de laboratoire instrumentalisant des méthodes acceptables par les commanditaires (les clients, entreprises ou pouvoirs publics), laboratoire dont l'organisation interne adopte les principes de la taylorisation (standardisation des techniques, division du travail). Dans le contexte contemporain, c'est bien entendu la pression généralisée à la privatisation des services publics, à la marchandisation d'un nombre croissant d'activités et à l'utilisation de principes gestionnaires issus du monde marchand qui influent sur l'évolution de la recherche en sciences sociales. Dans ce champ scientifique, cette évolution s'accompagne d'un discours sur l'autonomie des établissements universitaires et sur la professionnalisation des chercheurs en sciences sociales. Le premier point est analysé par E. Paris et F. Granjon (2005) qui réinscrivent les transformations de l'enseignement supérieur dans la volonté de la Commission européenne de construire l'économie des connaissances la plus compétitive (l'Europe est assimilée à une immense entreprise). Les auteurs montrent, en particulier, les effets de la multiplication des indicateurs d'évaluation, ces « technologies quantitatives ». Quant au discours sur la professionnalisation, il désigne la volonté de rendre employable, dans les organisations (publiques et privées), des sociologues devant procéder à des études à visée opérationnelle. Cette exigence provient, d'une part, de la rareté des postes offerts dans les universités et les centres de recherche et, d'autre part, de la concurrence des sciences de gestion. La volonté de concurrencer les gestionnaires sur leur terrain s'installe ainsi dans les stratégies de nombreux laboratoires sociologiques. Il existe également, au sein du champ académique de la sociologie, une volonté de distinction accentuée par les partisans de courants (auto)présentés comme en rupture (radicaux) et innovants, plaçant au second plan la question des rapports de pouvoir et concentrant leurs efforts d'investigation sur les seules caractéristiques des situations. Les postures méthodologiques proposées par ces courants présentent des analogies avec celles de P. Lazarsfeld, dans la mesure où elles sont bien acceptées par les commanditaires (clients). Enfin, il faut tenir compte de l'introduction de modalités de gestion au sein même des laboratoires : en plus des attitudes comptables dénoncées plus haut, il faut tenir compte des dispositifs de GRH empruntés aux entreprises marchandes (entretiens de progrès, salaire au mérite, individualisation des carrières) et de l'incitation à effectuer une recherche, avant tout, de contrats. Dans ce contexte, confrontés au défi de (re)définir des dispositifs leur permettant de tenir à distance les exigences non scientifiques (demande sociale, gestion de leur activité), les chercheurs, notamment en sciences sociales, peuvent trouver des guides dans les travaux de la sociologie de la gestion ¬ à condition que celle-ci ne renonce pas à son ambition de dévoilement. LISTE DES OUVRAGES CITÉS BEAUJOLIN R. (2004), Flexibilités et performances : stratégies d'entreprises, régulations, transformations du travail, La Découverte. BOUILLOUD J.-P. et LECUYER (B.-P.) (1994), L'invention de la gestion. Histoire et pratiques, L'Harmattan. BOURDIEU P. (1980), Le sens pratique, Paris, Minuit. BOURDIEU P. (2001), Science de la science et réflexivité, Raison d'agir. BOUSSARD V. et MAUGERI S. (2003), Du politique dans les organisations, L'Harmattan. BOUSSARD V., MERCIER D. et TRIPIER P. (2005), L'aveuglement organisationnel ou comment lutter contre les malentendus, Editions du CNRS. BROSNAN P. (2005), « La comptabilité de gestion : une technologie invisible », Travail et emploi, n° 103, juillet-septembre, p. 7-20. GAULEJAC V. de (2005), La société malade de sa gestion. Idéologie gestionnaire, pouvoir managérial et harcèlement moral, Seuil. HEILBRUNN B. (2004), Les performances, une nouvelle idéologie ? Critique et enjeux, La Découverte. LACAZE A. (2005), « La LOLF : simple outil de management, ou dogme écrasant ? », Gérer et comprendre, n° 81, septembre, p. 5-13. LAHIRE B., (2005) L'esprit sociologique, La Découverte. MARCUSE H. (1968) L'homme unidimensionnel , le Seuil. MAUGERI S. (2001), Délit de gestion, La dispute. PARIS E., GRANJON F. 2005, « Marchandisation des savoirs, privatisation de la recherche et réformes de l'université française », Sciences de la société, n° 66, octobre, p. 165-179. POLLAK M. (1979), « Paul Lazarsfeld fondateur d'une multinationale scientifique », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 25, p. 45-59. QUÉRÉ L. (1985), « Pour un renversement stratégique de l'étude de l'activité sociale », in Collectif, Décrire, un impératif, Editions de l'EHESS. Notes [1] HEILBRUN, 2004. [2] Pour une critique récente des effets sociaux de la comptabilité,
notamment, de son extension à un nombre toujours plus grand d’activités
et de son caractère idéologique masqué derrière
une fausse neutralité, voir BROSNAN (2005). [4] QUÉRÉ, 1985. [5] En 2006, la Loi Organique n° 2001-692 relative aux Lois de Finances (LOLF) qui vise à introduire le management par objectifs dans tous les services de l’Etat, se traduit, pour chaque ministère, par la nécessité de justifier chaque budget en termes de programmes, actions, objectifs et, bien sûrs, indicateurs. A. Lacaze (2005) livre une critique argumentée des principes de cette gestionarisation appliqués aux services de Police et de Gendarmerie.
« Notes de lecture », Réseaux 6/2005 (no 134), p. 263-279. |